Il y a un mois, quasiment jour pour jour, Kia fêtait ses 35 ans. Autrefois Petit Poucet de l'industrie automobile mondiale, le constructeur coréen s'affiche désormais clairement comme un sérieux concurrent parmi les constructeurs généralistes. Retour sur une ascension fulgurante.
Soyons honnêtes quelques instants, et projetons-nous 10 ans en arrière, à une époque où la gamme Kia était aussi excitante que la perspective d'un dimanche après-midi avec Michel Drucker. A ce moment là, les facteurs motivant l'achat d'une Kia se résumaient en quelques termes : budget et prix, ou prix et budget. Autant le dire, pas d'achat coup de cœur : passer commande d'une Kia c'était avant tout prendre possession d'une voiture dépouillée, dépassée, mais peu chère. Une alternative aux voitures d'occasion donc, surtout pour ceux qui voulaient absolument acheter une voiture neuve. A cette époque d'ailleurs, la gamme de véhicules "classiques" du constructeur était complètement délaissée. La Sephia (une petite berline concurrente des Ford Focus et Renault Mégane avec un prix lorgnant plus du côté des Fiesta et Clio), la Pride (ou le comble du dépouillement) ou la Schuma encore en phase de développement peinaient en effet à convaincre dans nos régions occidentales. A contrario, le Sportage, petit véhicule tout-terrain rustique mais relativement mignon pour l'époque éveilla les curiosités pour cette marque au réseau très peu étendu sur le territoire français. Et si les ventes de sa version Cutback restèrent marginales, elle constituait une première incursion de Kia dans la catégorie des voitures plaisir, toutes proportions gardées.
Picanto : la première pierre du renouveau
Le vrai renouveau de Kia remonte à 2004, avec le lancement de la Picanto. Petite citadine joufflue et au physique avenant, la Picanto (Morning en Corée, ou encore Eurostar et Suria dans d'autres marchés) est basée sur une plate forme de Getz, par le constructeur qui racheta Kia à hauteur de 51% de son capital en 1997 (suite à la grande crise financière asiatique) : Hyundaï. Très vite, la Picanto séduit : un physique travaillé, des proportions très européennes, des couleurs flashy, le département marketing de Kia Europe semble s'être réveillé... et ce n'était que le début. Si la seconde génération de Rio ne laissera, comme son ainée, pas un souvenir impérissable, la Cee'd est celle qui a enflammé les colonnes des journaux spécialisés. Et pour cause, en débarquant sur le marché avec une garantie 7 ans (une première), elle semblait toute destinée à s'offrir une couverture médiatique de premier ordre. Et parce que le succès à venir d'une voiture ne se mesure pas au nombre d'articles publiés la concernant, en se penchant sur les avis des essayeurs, sur les éloges qui ont plu, il devenait légitime de prédire une jolie réussite à cette compacte. Force est de constater que les spécialistes ne s'y sont pas trompés. Il faut dire que Kia a mis les petits plats dans les grands : développée et produite en Europe, la Cee'd s'inscrit parfaitement dans les canons esthétiques actuels, arrive avec une garantie qui montre à quel point le constructeur est sûr de la fiabilité de son véhicule, et est déclinée en 3 carrosseries, chose assez rare chez les coréens, jusque là. Du coupé Pro Cee'd au physique sculpté au break doté de lignes rassurantes en passant par la berline, classique mais pas trop, les designers ont visé juste.La cohérence de la gamme "classique" conjuguée à l'image très positive des SUV que sont le Sorento et le Sportage ont permis à Kia de s'adonner à quelques folies, dans un climat morose pour l'industrie automobile. Voir un constructeur aux volumes de ventes autrefois anodins parvenir à développer et commercialiser un petit véhicule déjanté répondant au doux nom de "Soul"... Qui aurait parié là-dessus, il y a de cela 5 ans ? Pas grand monde.
Alors si l'on termine cet article en vous disant que la ligne du nouveau Sportage est époustouflante et originale, que le nouveau Sorento fait plus cossu que jamais, que la Forte parvient à être sexy sur un segment (les petites berlines à coffre) où ce terme n'est habituellement pas évident, que le constructeur s'apprête à lancer une nouvelle berline luxueuse et que le Renault Modus a déjà des insomnies en pensant à l'arrivée imminente du Venga, vous devriez en arriver à la même conclusion que nous : Kia est plus à rapprocher du cri du karaté vengeur "Kiai!" que du terme anglais "Killed in action" (signifiant mort au combat). Parce que son combat pour conserver des chiffres de croissance à deux chiffres, la marque semble en passe de le remporter. Et les dirigeants de Kia de rire au nez de ceux qui, il y a 10 ans, avaient lu en son nom un très subtil : "Kaput, inutile, adieu".
Stéphane Brunet.